samedi 4 juin 2011

Amendement de la Constitution: Les fossoyeurs de la République par Leslie Pean

Les fossoyeurs de la République
http://lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=93216&PubDate=2011-06-03



Haïti: L'ex-président René Préval n'a pas raté son coup. En tant qu'expert en désastre, il a tenu à terminer son quinquennat par une dernière forfaiture. Il est parti, malgré lui, non sans laisser le pays comme un cigare allumé aux deux bouts. En signant le 13 mai 2011 le document constitutionnel falsifié, l'ex-président Préval couronne son mandat par une véritable descente dans les abysses de la perversion et de la corruption. Il a tenu à empoisonner Haïti et à transmettre cet inquiétant équilibre du chaos en laissant INITÉ comme un fil tendu au-dessus de l'horreur. Un fil qui trouve déjà des échos dans le discours des spécialistes des pirouettes langagières clamant qu'il y avait des « erreurs matérielles » qui ont été rectifiées. On peut comprendre trois ou quatre erreurs matérielles mais pas « quarante cas d'erreurs matérielles à travers une centaine d'amendements, dont certains constituent des modifications, d'autres des omissions, des suppressions ou des additions .» Autant d'erreurs matérielles relèvent de la malédiction ! La forte densité des erreurs matérielles indique une mauvaise direction d'ensemble vers le désarroi. Consécration du désarrimage de la classe politique avec la société civile, du cynisme de courants politiques gangrenés par l'autoritarisme et l'absolutisme, et enfin de l'agonie d'un système politique atteint d'une maladie dégénérative qui confine à la dévastation.

Les fossoyeurs veulent que la société haïtienne continue d'avancer à l'aveuglette dans le monde en perte de repères qu'ils ont créé. L'évènement Martelly avait court-circuité leur élan. Ils se sont repris avec leur litanie infernale de discours creux qui refont surface sans une ride, sans jamais se lasser. Sans pitié l'un pour l'autre. Déterminés à nuire pour que la société haïtienne ne sorte pas du trou où les chercheurs de pouvoir l'ont placée depuis la révolution kann kalé de 1957. C'est ce qu'ils viennent encore de réaliser en laissant au président Martelly un terrain miné.

Le masque du nihilisme obscurantiste

Le 30 mai, le sénateur Anick Joseph de l'Artibonite a parlé sur Signal FM de l'ex- président Préval comme « d'un suppôt du démon ». J'aurais plutôt caractérisé l'ex-président Préval comme un archétype du politicien haïtien mû par une extraordinaire passion pour l'Haïti kote ou fè sa ou pi pito, mais sans grande vision pour cette dernière. De plus, comme l'ont montré Victor Benoit, Norluck Dorange, Pierre Manigat junior, Évans Paul et d'autres dans l'ouvrage « 100% Préval », nous avons affaire à un homme complexé devant les élites intellectuelles mais dont l'opiniâtreté lui a permis de gravir les échelons et d'arriver au pouvoir suprême. Comme le souligne Georges Michel, « il convient de rappeler que Préval est le président qui excelle dans l'art de la subornation systématique et continue des parlementaires et qu'il s'acharne à défendre de tout son poids des corrompus éprouvés ou des apatrides patentés (ceux qui ont signé en faveur de la deuxième occupation) sous prétexte d'amitié .»

L'entêtement de Préval dans le mauvais chemin masque un nihilisme obscurantiste réduisant la politique à un champ de ruse, de simulacre et de cynisme. Ce qui l'a amené à faire des alliances avec les truands, se servant des fonds de PetroCaribe et s'inscrivant dans une spirale de cruauté qui a abouti à l'assassinat de Robert Marcello, directeur de la Commission nationale des marchés publics. Et enfin pour se donner bonne conscience, il a avalisé l'obscénité humanitaire pour éviter toute remise en cause de la société. Son gouvernement symbolise cette indéracinable part d'obscurité cultivée dans l'esprit haïtien.

Après avoir voté les amendements en assemblée nationale le 9 mai, le président du Sénat a convoqué quelques sénateurs le jeudi 12 mai pour réviser le texte final avant qu'il soit remis au président Préval. De 9 heures du matin à 6 heures du soir, le travail de révision a été fait avec minutie et attention par les dits sénateurs. Le texte des amendements et de la Constitution amendée a été remis le 13 mai au président Préval. Mais, il semble que plus de trois pages de modifications ont été introduites de façon occulte au dit texte amendé. Quels sont les sénateurs qui ont fait ces modifications ? Qui est le commanditaire de cette forfaiture ? Dans un État de droit, le texte publié dans Le Moniteur fait loi. Le remettre en question, c'est s'engager dans une voie de perdition. De solides arguments sont là à l'appui de ces vues. Il faudrait donc attendre quatre ans pour rectifier.

Le temps de s'élever à la hauteur d'hommes
Sacro-sainte, la Constitution de 1987, disions-nous ? L'anarcho-populisme, loin s'en faut, ne l'a pas toujours acceptée. Il s'est déjà attaqué à elle, en maintes occasions, assuré de l'impunité. Et ceux qui s'y attachent sont considérés comme des attardés.

Comment élucider ce crime de lèse-nation ? Les auteurs n'ont pas hésité à atteindre des sommets de méchanceté insoupçonnée. La mystification s'installe avec les revirements imprévus de ceux qui veulent simplement se contenter de donner au président Martelly un troisième texte constitutionnel révisé. Comment s'assurer que ce nouveau texte reflète le texte voté le 9 mai ? Qui a vérifié que les désordres et avatars de la folie de pouvoir des membres d'INITÉ ne se retrouvent pas dans cette troisième version ? Le président Martelly peut-il faire confiance à des faussaires en acceptant un nouveau texte ?

Nous avons affaire à des gens dont les esprits sont fascinés par le difforme, le morbide et la démence. Avec les élections sénatoriales frauduleuses de juin 2009, ils ont créé le tissu pour tailler un costume sur mesures pour le nouveau gouvernement de Martelly. Et quand les apprentis sorciers sont le dos au mur, ils n'hésitent pas à se montrer sous leur vrai jour de tueurs. Ils ont le sang de Robert Marcello sur les mains. Mus par un esprit de destruction et d'autodestruction, ces monstres se croient dans la jungle et refusent de s'élever à la hauteur d'hommes. Pour mettre en lumière la beauté et l'ordre à la place du tragique et du terre à terre. Question de retrouver ce temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, comme dit le chanteur Charles Aznavour. Les moins de cinquante ans guère plus. Au moment où il est question de tourner définitivement la page néfaste de l'ère Préval, voilà qu'il s'impose encore dans notre futur par cette forfaiture.

Leslie Pean

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