mardi 12 octobre 2010

1er Forum d'Affaires Québec-Haïti, Nancy Roc, l'organisatrice, satisfaite.


1er Forum d'Affaires Québec-Haïti, Nancy Roc, l'organisatrice, satisfaite.

Haïti: Le Nouvelliste : Le 1er Forum d'Affaires Québec-Haïti s'est clôturé le 8 octobre ; pouvez-nous en faire un bilan ?

Nancy Roc : Tout d'abord, ce 1er Forum d'Affaires Québec-Haïti a permis de projeter une autre image de notre pays tant dans la presse francophone qu'anglophone, qui a largement couvert l'événement. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que la presse véhicule malheureusement trop souvent les aspects négatifs d'Haïti. Mes partenaires et moi souhaitions donc mettre aussi en exergue des modèles de réussite en matière d'investissements en Haïti, et l'exemple de DIGICEL a fait mouche partout. Le plus important journal du Québec, La Presse, a accordé une page entière à l'expérience DIGICEL au lendemain de l'ouverture du forum. Pour nous, c'était déjà une victoire.

Ensuite, nous attendions 150 personnes, nous en avons reçu près de 325. Et tous les entrepreneurs aussi bien que le public présent étaient non seulement heureux d'être là, mais ils se sont dit motivés par ce forum. En effet, comme je l'ai dit dans mes propos d'ouverture, mes partenaires et moi souhaitions que les présentations et les périodes accordées aux questions-réponses puissent aborder, en toute sérénité, les vrais problèmes en matière d'investissement en Haïti, mais aussi les pistes de solutions concrètes pour la création d'emplois et de nouveaux partenariats.

Les panélistes ont capté ce message, en témoignent les échanges francs qui ont eu lieu entre l'ambassadeur du Canada en Haïti, Monsieur Gilles Rivard, le public et les propos tenus par la ministre du Commerce et de l'Industrie, Mme Féthière, lors de la première journée.

De plus, comme l'a regretté M. Gilles Rivard, il n'y a pratiquement pas d'entreprises québécoises actuellement en Haïti alors que des entreprises canadiennes telles que ATCO Structures & Logistics, dont les actifs sont évalués à environ 9.9 milliards de dollars, sont déjà sur le terrain. Le Québec a été le plus généreux envers notre pays suite au séisme, et je crois que les entreprises québécoises doivent prendre leur place dans la reconstruction d'Haïti. Ceci est d'autant plus vrai que notre pays, comme l'a souligné Charles Clermont, a besoin de développer ses petites et moyennes entreprises (PME). Or le Québec est connu pour être une société dont la plupart des entreprises sont des PME. Lors de la première journée du forum, il y a eu un entrepreneur qui a demandé comment faire face aux multinationales américaines en Haïti. Comme nous avons répondu, non seulement Haïti doit se développer à travers ce modèle d'entreprise, mais il est aussi reconnu qu'un marché international commande une stratégie internationale, peu importe que l'entreprise ait 25 ou 25 000 salariés. La différence entre hier et aujourd'hui, c'est que les PME ont maintenant accès aux outils et aux réseaux (grâce en partie à la révolution numérique) leur permettant de desservir ce marché.

L.N. : Quels ont été les faits marquants de cette première initiative ?

N.R. : Le premier point marquant était la communication des informations pertinentes quant aux investissements en Haïti. Le gouvernement haïtien ayant une grande déficience en matière de communication, le discours très pragmatique et riche en informations de Madame la Ministre du Commerce et de l'Industrie a constitué un point fort du forum. Les entrepreneurs québécois et canadiens, aussi bien que les Haïtiens, ont été agréablement surpris d'apprendre qu'aujourd'hui, grâce à la mise en activité du Registre du Commerce en ligne du MCI, le délai pour créer une entreprise en Haïti est passé de six (6) mois à six (6) semaines. De plus, Mme Féthière a souligné qu'Haïti était ouverte au commerce, ''open for business'', en donnant des exemples concrets : l'implémentation de certaines grandes compagnies, telles Wallmart, Hanes, Levis, Fishman, Gap et Cintas, qui ont, après le séisme du 12 janvier, augmenté leur quota de commandes avec les entreprises installées en Haïti. Elle a aussi dit que plusieurs groupes d'entrepreneurs de tous horizons sont actuellement en prospection en Haïti comme, entre autres, les groupes coréens Wilbes, Sae-Ha, et Hansoll qui doivent non seulement implanter des ateliers de couture en Haïti mais aussi des filatures et des teintureries afin de profiter des avantages du HOPE/HELP.

Mais un des faits les plus marquants de ce forum aura été le moment où Mme Féthière a déclaré « nourrir l'espoir que le Canada, comme les Etats-Unis, signera avec nous un accord similaire, le Hope canadien qui viendra élargir le cadre des avantages incitatifs aux investissements. » Et, croyez-moi, son appel a été entendu par les autorités tant québécoises que canadiennes.  
 
     
  Un autre fait marquant a été l'annonce faite par le ministre des Haïtiens vivant à l'Étranger, M. Edwin Paraison, de la création d'un centre d'opérations de la diaspora à Port au Prince. Il s'agit d'un local équipé du matériel nécessaire pour des rencontres d'affaires et les missions humanitaires menées par les membres de la diaspora en Haïti. Ensuite, mes partenaires et moi avons été émus et fiers lorsque le ministre Paraison a déclaré que « dans le but d'appuyer le dynamisme enclenché au sein du secteur des affaires grâce à la tenue de ce forum, le MHAVE organisera prochainement à Montréal le Colloque Préparatoire aux États Généraux de la Diaspora, qui auront lieu en Haïti du 11 au 13 janvier 2011. Pour la première fois, la diaspora et le ministère élaboreront ensemble un plan stratégique pour le quinquennat 2010-2015, après avoir identifié les problèmes par le biais d'événements précédents.» Il est donc clair pour nous que les fructueux échanges que nous avons eus pendant ces six (6) derniers mois tant avec le MIC qu'avec le MHAVE ont donné des résultats probants lors de ce forum.

Je ne saurai ne pas souligner ici l'importance des ateliers tant sur le café que sur la reconstruction qui ont été animés respectivement par, David Nicholas de la Plateforme café et Charles Clermont, vice-président de la Sofidhes. Ces ateliers ont été riches en échanges et même inédits. En effet, pour la production caféière, c'est la première fois que tous les acteurs clés se retrouvaient autour d'une même table avec les représentants de 200 000 familles paysannes productrices de café. Je suis très fière de cette grande première car j'ai un attachement particulier à la paysannerie de mon pays qui a toujours été exclue. Quant à l'atelier de reconstruction, rien que son nombre (plus de 50 personnes) a démontré l'intérêt débordant pour ce secteur en Haïti.
Quant aux interventions des panélistes, elles étaient toutes de haut niveau. Mais il faut quand même admettre que les interventions du professeur Samuel Pierre et de Charles Clermont ont réellement été des faits marquants, en témoigne l'ovation debout qu'ils ont respectivement reçu de la part des participants et du public.

Enfin, le dernier fait marquant a été la signature d'un accord entre Incas Productions Inc et la Chambre de Commerce et d'Industrie haïtiano-canadienne (CCIHC) afin de faciliter l'accompagnement des accords et/ou partenariats issus de ce premier forum d'affaires dans la filière du café, dans le secteur de la construction et dans le financement des projets du secteur privé en Haïti.

L.N. : Vous vivez au Canada, constatez-vous un engouement qui pourrait se muer en actions concrètes en Haïti ?

N.R. : Absolument ! D'ailleurs, j'avais bien souligné tout le long de la campagne de presse que lors de mes propos d'ouverture que mes partenaires et moi avions décidé que nous ne souhaitions pas faire un forum pour un forum mais un forum qui puisse faire une différence, si petite soit-elle. Qu'il puisse d'abord et avant tout rassembler des acteurs clés pour aboutir à la création d'emplois et des emplois de qualité. Dans la perspective de cette dernière, il me semble que les annonces faites tant par la ministre du Commerce et de l'Industrie que par le ministre Paraison sont déjà des résultats concrets.

D'autre part, suite à la tenue des ateliers sur le café et la reconstruction, je peux déjà vous annoncer que le groupe de travail sur le café a décidé d'organiser l'année prochaine dans le cadre du Mois de l'Histoire des Noirs, la Semaine internationale du Café qui aura lieu à Montréal. Pour le groupe sur la reconstruction, nous attendons son rapport. Je dois rencontrer Hervé Denis et Charles Clermont cette semaine à ce sujet. Toutefois, je peux aussi vous dire que j'ai été approchée par M. Larèche de la mairie de Port-au-Prince pour la tenue du prochain Salon de la Reconstruction qui aura lieu en décembre à Port-au-Prince. Et ceci n'est qu'un début, vu que le week-end et le jour de l'Action de Grâces, ce lundi, étaient des jours fériés. Nous allons non seulement assurer le suivi, mais aussi nous impliquer dans tout ce processus de suivi du 1er Forum d'Affaires Québec-Haïti.

L.N. : Comment la communauté haïtienne qui vit ici a-t-elle accueilli le forum ?

N.R. : Pour être honnête avec vous, j'étais trop occupée ainsi que mon équipe pour prendre le pouls de toute la communauté quant à la tenue du forum. Toutefois, le partenariat média qu'Incas Productions avait avec CPAM a assuré la couverture en direct de certains grands moments du forum, et je ne pense pas que la communauté haïtienne était en reste. De plus, il y avait de nombreux représentants de cette communauté dans la salle. Mais, là encore, nous allons assurer le suivi.

L.N. : Et les Québécois ?

N.R. : Je crois que la présence des autorités québécoises et canadiennes a démontré leur intérêt évident pour ce forum. Quant aux entrepreneurs québécois, ils sont une trentaine à s'être montré intéressés à « brasser des affaires » avec Haïti. De plus, le témoignage touchant de l'entrepreneur Maurice Monette, président de la compagnie Tenta, a été éloquent tant dans son intérêt d'investir en Haïti que pour son amour pour notre pays. Ce n'est quand même pas tous les jours qu'on entend un Québécois dire que grâce aux Haïtiens, s'il pouvait changer sa couleur et devenir un Noir il le ferait !

L.N. : Certains observateurs croient qu'il faudra aussi tenir un tel forum dans la partie anglaise du Canada. Incas Production prépare-t-elle un tel projet ?

N.R. : Non, pas pour le moment, car notre prochain objectif est d'organiser le second Forum des Affaires Québec-Haïti en Haïti même. En effet, ce deuxième forum se concentrera sur la confection de vêtements qui génère déjà $ 130 millions de revenus nets d'exportations et environ 26 500 emplois dans notre pays. Selon le directeur du Centre de Facilitation des Investissements (CFI), M. Guy Lamothe, le potentiel de ce secteur uniquement peut être multiplié par six en atteignant en moins de 7 ans 150 000 emplois avec l'application de la loi HOPE devenue HELP, grâce à l'accès en franchise des produits qu'elle écoule sur le marché américain. Or, comme nous souhaitons que le forum puisse activer la création d'emplois de qualité, la tenue de ce dernier dans la partie anglaise du Canada nous semble moins importante que d'inciter les entrepreneurs tant Québécois que Canadiens à se joindre à nous. Enfin, n'oubliez pas que beaucoup d'Haïtiens et de Québécois ne parlent pas couramment l'anglais, et ceci pourrait constituer un obstacle à la réussite d'un autre forum. Toutefois, nous n'excluons pas cette possibilité, notamment en ayant un dispositif de traduction instantanée. Mais pour le moment, notre priorité est d'organiser le prochain forum en Haïti.

 
  Propos recueillis par Frantz Duval

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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)

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