mardi 24 août 2010

Wyclef a la fois un aventurier, une revelation et une deception

Wyclef á la fois  un aventurier une révélation et une déception 

 

Par Michel William

 

Wyclef est un aventurier capable de toutes les imprévisions  en politique, une révélation de la diaspora  politique  et une déception pour la masse des  jeunes haïtiens . C'est ce qui ressort de sa rencontre  avec le président de la république  á l'issue de laquelle son exclusion potentielle  du processus  n'a pas fini de soulever des interrogations. Les suspicions  fusent en tout sens et vont de la fausseté á la traitrise en passant par la soif  de l'argent á tout prix. Certains se réjouissent déjà du machiavélisme du président Préval qui élégamment a su trouver  le moyen le plus odieux pour empêcher qu'un aventurier politique  remplace un débonnaire  á la présidence  d'Haïti.

 

Wyclef serait  un  faux  pour lui-même  et un faux pour la classe politique haïtienne parce qu'en posant sa candidature , il ne croyait pas  en lui-même, il n'avait  rien d'un homme politique  et il n'avait aucun projet de société pour Haïti. Sinon, comment expliquer  qu'un candidat  ayant toute cette popularité potentielle  immédiatement après avoir rencontré le président de la république  seulement deux jours   avant la proclamation  de la liste  des présidentiables  ait pu accepter avec autant de facilité et de sourire  son éviction  de la course á la présidence ? Comment comprendre  á  la sortie de la réunion   sa demande aux partisans chauffés á blanc de rester calme  sous le fallacieux prétexte qu'il n'est connu encore de personne les candidats  qui seront agréés ou exclus. 

 

Au demeurant  si Mr Wyclef n'a rien laissé filtré de la rencontre, il y a  au moins deux signes qui laissent croire qu'un deal  a été  trouvé entre  Wyclef et le président. Le  tout premier  signe est  l'intime poignée de main qui révèle  le sceau  d'un deal  gagnant -gagnant pour les deux hommes suivi du comportement silencieux et serein du millionnaire qui contraste avec  la  réaction froide mais instantanée  de l'homme politique qui crierait au scandale et qui demanderait á ses partisans de gagner les rues pour donner  une fin de non recevoir  á cette exclusion de dernière heure. Le second  signe  patent est lorsque  l'agence  Reuter de la bouche de son correspondant que tout le monde dit depuis longtemps proche du président  a vendu la mèche  en déclarant que  de source proche d'un conseiller électoral, il a appris  que  Wyclef était déjà  exclus du processus ? Pourquoi le correspondant de Reuter et pas un autre journaliste ? Pourquoi  la primeur de la nouvelle  á ce correspondant de Reuter qui dit ( nan Ranmase) qu'il est un fanatique de Wyclef ? Tout porte á croire que le  jeu était déjà connu au moins de  ces trois.

 

Ailleurs la candidature  de  Wyclef  pourrait bien avoir été  un  canular ou un deal conçu  simplement pour dynamiser le processus  électoral boudé par l'opposition .Cette thèse  ne serait pas loin de celle  qui voudrait  que la présence de nombreux candidats du palais national  dans cette  course  soit des figurines prêtes á déclarer  éventuellement forfait les jours á venir  tout en se préparant á renforcer  la  candidature de Jude  Célestin de l'INITE. Ces différentes spéculations conduisent  la classe politique  á croire que Wyclef  n'a pas l'étoffe d'un homme politique et confirment la préoccupation qu'il pourrait devenir l'aventurier le plus  dangereux  qui émergerait sur la scène politique après  Aristide . Fort de  de cela , un vaste complot serait ourdi  pour faire comprendre á ce Monsieur  qu'il ne serait pas l'homme du moment  et qu'en  n'acceptant pas   le rejet de sa candidature , il s'exposerait indubitablement á des dérapages.

 

Wyclef est la révélation de la diaspora politique. Profitons  de cette occasion  pour faire le distinguo  entre la diaspora haïtienne  classique faite de rudes travailleurs  pourvoyeuse d'argent  á la population haïtienne et la  diaspora politique , appendice  de la clase politique haïtienne á l'étranger qui vit en parasite sur la diaspora classique( Sansarik) et qui a fait du mal á l'administration  publique haïtienne dans tous les postes occupés á date. Par révélation  il faudrait entendre  que  Wyclef en tant que réussite de  la diaspora politique a une  phobie  bleue de l'argent pendant qu'il aime l'argent au point de  jouer même  son va tout pour l'avoir. Parallèlement Wyclef  a appris aux dépens de l'establishment américain  et  de la diaspora lavalassienne que la meilleure façon de faire de l'argent rapide  est d'entrer en politique. Certes  il a fait un peu d'argent dans le HIP POP, mais il a gardé l'expérience et l'amertume d'un monsieur qui a  travaillé dur dans les premiers jours á  Brooklyn pour faire ses premiers dollars . N'eut été  l'apport de la politique américaine pour promouvoir son style de rappeur bon enfant  utilisé pour contrecarrer  la montée du rap  violent noir américain  peut être que  Wyclef n'aurait pas connu cette  ascension fulgurante dans le monde  des arts? En bénéficiant du support financier et politique de l'establishment américain, notre candidat aurait pris gout á l'argent facile .Il devient un amoureux de l'argent et est prêt á tout pour faire de l'argent. Sa candidature  á la présidence d'Haïti pourrait avoir été motivée  par l'ambition de l'argent  d'autant plus  qu'on parle de lui  comme un mauvais gestionnaire qui aurait fait baisser le profit  des entreprises possédées  tant en Haïti  qu'aux  Etats-Unis. Sa soif de l'argent  pourrait avoir  inspiré au stratège Préval l'idée d'une rencontre  pour fui faire une offre  substantielle  en échange d'un retrait de sa candidature sous la forme  voilée d'un carnet du CEP. Dans ce sens, Wyclef  ne serait pas différent  de la majorité  des déçus  de la  diaspora politique  qui croient  que la meilleure façon de faire de l'argent   facile  est de  s'imbriquer dans la politique haïtienne  ou d'occuper un poste qui faciliterait le drainage des deniers publics. En effet depuis la  quarante cinquième législature  qui comptaient 17 sénateurs étrangers jusqu'à l'administration publique infestée d'étrangers  musiciens, de chauffeurs de taxi,de racketters et brasseurs dans les gouvernements d'Aristide et de Préval,  la diaspora a donnée la preuve par mille qu'en Haïti elle a perdu sa vision  et  qu'elle  n'aspire qu' á faire de l'argent facile  en intégrant contre la constitution les institutions de l'Etat ( loterie nationale, les ministères , le parlement, la Primature,  ) pour disparaitre aussitôt que leur job aura pris fin. Simeus a été jusqu'à corrompre la cour de cassation. A force d'intégrer les institutions haïtiennes  au mépris de la loi et de la constitution , la diaspora politique  facilitée dans son œuvre d'Harpagon par le régime lavalaso-prévalien  vient de  donner le  ton  á la politique du CEP  qui croit cette fois  qu'on n'a pas besoin d'amender la constitution pour faire les choses autrement. Il suffit qu'il ait l'accord tacite du président de la république  protégé par  la MINUSTHA  pour mener le processus   électoral  á sa façon  sans se soucier des pénalités  de la justice. L'acceptation par le  CEP  des candidatures   sans leur certificat de décharge et l'acceptation par Mr Wyclef  du rejet de sa candidature  pour violation de la notion de résidence sans protestation aucune,  montre  que l'on vit dans un pays  sans repère et que  le pire est toujours possible  avec une diaspora politique aveugle, ambitieuse et incapable de se structurer pour offrir une alternative  valable á Haïti. La diaspora  doit commencer á établir   son parti politique en Haïti pour commencer á faire l'éducation politique  de la paysannerie d'où elle recrutera ses candidats  au Casec, á la mairie, aux législatives  et aux présidentielles parmi les jeunes qui attendent beaucoup d'elle.La diaspora  n'a pas  pu exploiter  son envoi de deux milliards de dollars l'an et a joue le jeu politique traditionnel d'attendre les élections  pour émerger. Malgré le savoir   et sa force économique proverbiale la diaspora n'a pas eu  d'alternative basée sur l'économie, le savoir et la démocratie.. Mr Wyclef de la diaspora, aurait il vendu sa potentialité  de devenir président de la république d'Haïti  pour un plat de lentille ? Sinon, quel serait le prix payé á Mr Wyclef  pour accepter une défaite politique irréversible ?

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Mr Wyclef est aussi une déception pour les jeunes d'Haïti  proches de  53% de la population  totale.

 

Le rap en tant que musique d'expression du refoulement de la jeunesse  et d'espoir qu'un jour Dieu pourrait lui  donner une chance  á la vie décente de la minorité , a fait de Wyclef un modèle de réussite. Le rap a connu un élan extraordinaire en Haïti. Il a été  amplifié  par des groupes locaux tant commerciaux que religieux. Le rap est sur toutes les lèvres de la jeunesse haïtienne. Wyclef  parle  le langage de la jeunesse délaissée d'Haïti.  Il s'habille  comme  elle. Il chante  les misères de cette jeunesse. Bref la  jeunesse haïtienne  s'identifie á lui. La candidature de Wyclef est venue redonner á la jeunesse l'espoir que les mouvements politiques  Lavalas et LESPWA ont contribué á  détruire après l'avoir éveillé. Il est devenu le nouveau sauveur de la jeunesse et de la paysannerie haïtienne. Ce n'est pas  sans raison que aussitôt la nouvelle  de sa candidature á la présidence  d'Haïti annoncée elle a été répandue  comme une trainée de poudre dans tout le pays. On parle tout de suite du phénomène Wyclef.. D'aucun commençait á comparer  la candidature de Wyclef á celle d'Aristide de 1990. La dimension médiatique  que le candidat s'apprêtait á donner á sa campagne en avait  fait le reste. Wyclef était président avant les élections.

 

C'est dans ce contexte de fièvre électorale et de candidature populairement acceptée que la rumeur  de son éviction du processus commençait á circuler dans tous les coins du pays. On percevait déjà  l'odeur d'une colère  sismique qui envenimait l'atmosphère. On projetait déjà les impacts négatifs  qu'aurait une telle bombe  á retardement. Et puis vint la nouvelle de la rencontre avec le président de la république qui comme une baguette   magique a  changé du tout au tout. Notre Wyclef étranger au cirque d'animaux politiques feint d'ignorer  le rejet de sa candidature , accuse  cette rumeur de nouvelle  non fondée. Comme pour refroidir l'ardeur  de cette jeunesse prête á tout , l'icône et idole de la jeunesse  haïtienne  offre une poignée de main rassurante avec le président de la république  et demande á ses partisans de garder leur calme , pour ne pas céder aux « Zen ». « Comme en Haïti « La fimen  pa konn soti san dife » la nouvelle effectivement tomba  fort tard  dans la nuit du 20 Aout  2010. Notre Wyclef  a reçu son carnet, il est ajourné  pour les prochaines présidentielles  de 2016. Il est calme et satisfait. Aucune réaction de la jeunesse  ne s'en est suivie. La jeunesse a encaissé le coup et a classé  Wyclef dans la même veine des politiciens haïtiens.  Toute la classe politique traditionnelle d'Haïti a poussé un ouf de soulagement  et  a gagné la première manche. Une nouvelle fois la jeunesse a été  déçue. L'histoire retiendra  que Wyclef vient de perdre la chance de devenir président et qu' á partir d'aujourd'hui sa cote de popularité entame  une chute  verticale  qu'il lui sera difficile  d'arrêter

 

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"La vraie reconstruction d'Haïti passe par des réformes en profondeur des structures de l'État pour restaurer la confiance, encourager les investisseurs et mettre le peuple au travail. Il faut finir avec cette approche d'un État paternaliste qui tout en refusant de créer le cadre approprié pour le développement des entreprises mendie des millions sur la scène internationale en exhibant la misère du peuple." Cyrus Sibert
Reconstruction d'Haïti : A quand les Réformes structurelles?
Haïti : La continuité du système colonial d'exploitation  prend la forme de monopole au 21e Siècle.
WITHOUT REFORM, NO RETURN ON INVESTMENT IN HAITI (U.S. Senate report.)