mercredi 28 juillet 2010

Wyclef Jean à la présidence d'Haïti - Un éventuel cauchemar pour les oncles Sam et Napoléon

Wyclef Jean à la présidence d'Haïti - Un éventuel cauchemar pour les oncles Sam et Napoléon

Wilson Saintelmy, Montréal  28 juillet 2010

Wyclef Jean a le potentiel d'être à la génération hip-hop en Haïti ce que Barack Obama est à la génération «Nexus» aux États-Unis.<br />
Photo : Agence France-Presse Gustavo Caballero

Wyclef Jean a le potentiel d'être à la génération hip-hop en Haïti ce que Barack Obama est à la génération «Nexus» aux États-Unis.

Selon toute vraisemblance, la pop-star américaine d'origine haïtienne Wyclef Jean s'apprête à déposer sa candidature aux prochaines élections présidentielles en Haïti, fixées au 28 novembre 2010. Si les rumeurs étaient fondées, un tel geste aurait une portée beaucoup plus considérable qu'il n'apparaît à première vue.

Précisons que la recevabilité de la candidature de Wyclef Jean risque d'être le principal obstacle sur son parcours vers la magistrature suprême de l'État haïtien. Cependant, son éventuelle participation aux prochaines joutes présidentielles en Haïti semble avoir été accueillie avec le même scepticisme que celle de Barack Obama à l'investiture démocrate. Erreur. Il ne faut pas sous-estimer une telle initiative.

René Préval est de plus en plus assimilé à l'avatar haïtien de George W. Bush. Le tremblement de terre du 12 janvier 2010 est à celui-là ce que le 11 septembre 2001 et l'ouragan Katrina furent à celui-ci. De plus, Wyclef Jean a le potentiel d'être à la génération hip-hop en Haïti ce que Barack Obama est à la génération «Nexus» aux États-Unis. D'autant que Port-au-Prince a de plus en plus l'allure du «Bronx des Antilles». Jusque-là, rien pour donner des migraines aux puissances tutrices et à l'élite créole d'Haïti.

Mais lorsque ces dernières et les médias réaliseront que Jean risque d'être davantage l'avatar de Jean-Bertrand Aristide ou d'un Hugo Chavez plutôt que celui du Terminator, ils anticiperont à sa juste mesure l'impact de son éventuelle élection à la présidence d'Haïti. Un tel scénario serait la deuxième humiliation infligée par un «outsider» à l'élite politique haïtienne. Ce serait également un deuxième Waterloo politique, après celui de 1990, pour la communauté internationale concernant la mouvance populiste haïtienne telle qu'incarnée jadis par Jean-Bertrand Aristide.

Comme Aristide

Wyclef Jean est porteur de la même symbolique messianique que ce dernier. Il émerge comme son dauphin potentiel, du moins dans l'imaginaire des déshérités d'Haïti.

Tout comme Aristide, Jean est d'origine modeste, issu de la majorité bossale. Tout comme Aristide en 1990, Wyclef Jean est, en 2010, l'Haïtien le plus populaire à l'étranger en raison de sa célébrité artistique, et en Haïti, davantage pour son activisme social.

Avocats de la cause des pauvres, les deux hommes font désormais partie de la gauche progressiste de la diaspora haïtienne. Les deux auraient fait le saut en politique dans la trentaine avancée. Les deux sont des virtuoses de l'irrationnel; l'un par la théologie de la libération; et l'autre, par celle du hip-hop.

À l'instar d'Aristide, qui demeure un rescapé salésien devenu millionnaire, Jean est un miraculé du Bronx new-yorkais, béatifié dans la nouvelle Canaan et au panthéon mondial du hip-hop. Il apparaît aujourd'hui comme la réincarnation du rêve aristidien d'un lendemain meilleur pour la majorité bossale du pays.

Les deux hommes sont porteurs d'un double messianisme: judéo-chrétien et socio-économique (que l'on retrouve au coeur de la théologie de la libération et celle du hip-hop). Le potentiel révolutionnaire d'une expérimentation politique concrète de cette dernière religion musicale ferait désormais partie du possible à travers une éventuelle élection de Jean à la présidence d'Haïti. Ce fut néanmoins le cas pour la théologie de la libération avec Jean-Bertrand Aristide. Et nous connaissons la suite.

Faillite de l'élite

Peu importe la dynamique future entre la théologie de la libération et le hip-hop en Haïti, Jean-Bertrand Aristide et Wyclef Jean demeurent le produit de la faillite spectaculaire de l'élite créole haïtienne; faillite matérialisée par l'incapacité avérée d'une telle élite à combler le vide de leadership observé notamment dans l'Haïti postséisme.

Wyclef Jean sera, dans l'imaginaire populaire, la rançon politique de la trahison et du comportement fratricide de René Préval envers Jean-Bertrand Aristide, son ex-frère jumeau. Voilà qui fait de Jean le dauphin non désiré du patriarche déchu. Il a le potentiel d'être à Jean-Bertrand Aristide ce que Josué fut à Moise, prophétise déjà la mouvance aristidienne. Pour celle-ci, le double exil infligé à Aristide équivaut à une persécution inquisitive, sinon à un double pèlerinage forcé pour l'ex-président.

Cependant, par-delà l'interprétation caricaturale qu'elle provoquera, une éventuelle candidature de Wyclef Jean à la présidence d'Haïti enverrait un message non équivoque quant à la détermination de la diaspora haïtienne de démanteler l'embargo constitutionnel imposé à cette dernière par la Constitution de 1987.

Double révolution

Si Jean réussissait son pari, nous risquons d'assister à une double révolution en Haïti. Culturelle, la première verrait la langue créole émerger, pour la première fois dans l'histoire du pays, comme langue officielle prédominante avant l'anglais, question d'accommoder l'hypothétique nouveau chef d'État. Ultime forfait à l'oncle Napoléon: exit le français comme instrument bicentenaire de domination de la majorité bossale par la minorité créole.

Politique, la deuxième révolution s'ouvrirait sur deux avenues opposées. L'une risque de conduire Haïti vers un statut factuel de 51e État américain. L'autre l'engagerait sur l'autoroute bolivaro-chévariste, en tant qu'expression du populisme et de la mouvance néoprogressiste latino-américaine.

Plausible, ce dernier scénario serait une catastrophe politique pour l'oncle Sam. Démiurge du hip-hop, Jean n'a pas la carrure conservatrice d'un Schwarzenegger. Son univers mental est buriné par la solidarité organique et la culture revendicative des ghettos du Bronx new-yorkais.

Le hip-hop est aux Afro-Américains ce que la théologie de la libération est à la gauche bolivaro-chévariste. Une éventuelle alliance entre le capital, le populisme, la théologie de la libération et celle du hip-hop en Haïti? Voilà ce que couve l'apparente banalité d'une hypothétique présidence de Wyclef Jean. À suivre.

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Wilson Saintelmy, Montréal

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