lundi 5 juillet 2010

Analyse de Robert Benodin...

Thèmes de l'Emission de la semaine

Orlando le 2 juillet, 2010

Actualités Politiques : Grandes Lignes

Avant de se rendre au sommet du G20 réuni au Canada, réagissant d'une part aux pressions de l'Internationale, Préval a voulu lâcher un ballon d'essai pour manifester ostensiblement et sans équivoque, à la fois son intention de respecter le calendrier constitutionnel, et d'autre part sa décision d'ignorer totalement les pressions des partis d'opposition et de la société civile, en maintenant son CEP, la clef de voûte de sa stratégie du maintien de la continuité. Il a donc publié, dans un premier temps, un arrêté présidentiel confirmant le fait qu'il garde son CEP et les taches qui sont assignées aux conseillers.

Arrivé au sommet du G20, c'est là que Préval découvre la vraie raison de l'invitation. On lui fait savoir que l'Internationale n'a aucune confiance en lui, tant pour la gestion des élections que pour celle des projets de reconstruction. Il n'y a pas que les bailleurs de fonds à rejeter Préval. L'eurodéputé Michèle STRIFFLER, après sa visite investigatrice en Haïti, vient de corroborer ce fait de manière très convaincante, en exprimant son inquiétude face à l'apparente absence de leadership des autorités haïtiennes et aux très faibles capacités du gouvernement à mener à bien le processus de reconstruction d'Haïti.

Rejeté par les G20, déconcerté, décontenancé, Préval se cherche une rassurance. Il lui faut désespérément se trouver des alliés dans sa zone de confort. Retourné du sommet sur la pointe des pieds, Préval se rend immédiatement, aux sons des cloches de bois, en République dominicaine pour réveiller un chat qui dort depuis l'an 2000, la commission mixte bilatérale. Pour gagner la sympathie de son homologue dominicain, il lui murmure au tuyau de l'oreille, qu'il choisit Jean Max Bellerive pour son successeur. Ce dernier a épousé une dominicaine qui vit avec ses enfants en République dominicaine. Il visitera sous peu Cuba, Jamaïque et le Venezuela. Toutes ces activités fébriles, pour faire quoi ? Pense-t-il que, parce qu'ils sont de la Caraïbe, ils seront moins soucieux de ses insuffisances ?

Pour réaffirmer ses intentions, Préval promulgue le décret électoral. Cependant, ce décret électoral a évité intentionnellement de fixer la date des élections pour les autorités locales. Il est évident que Préval veut retenir l'appareil étatique de base qui lui a permis de gérer à son profit les élections législatives d'avril et de juin 2009. C'est cette machine chevronnée qui s'est déjà prouvée aux dernières élections, en synchronisation avec son CEP, qui lui permettront avec aisance d'obtenir une 49e législative qui lui soit totalement soumise. L'adoption rapide des amendements et leur mise en vigueur sont des étapes essentielles à la réussite de la stratégie prévalienne, la continuité.

Réagissant à la promulgation du décret électoral, les secteurs suivants représentés au sein du CEP, ont manifesté leur adhésion. Ce sont :

-Le secteur du vaudou

-La Fédération nationale des conseils d'administration des sections communales

-Le secteur syndical

-Le secteur des handicapés

-Le secteur des femmes

Les 4 autres secteurs :

-Le Conseil national des partis politiques

-L'Église épiscopale

-L'Église catholique

-La Fédération protestante

n'ont pas donné leur adhésion à ce jeu de dupe. Il nous faut aussi préciser qu'au cours du mois de juin, le représentant de l'Église catholique dans les Nippes, Mgr Pierre André Dumas, avait estimé que le CEP dirigé par Gaillot Dorsinvil n'est pas crédible pour organiser les élections. Il avait donc souhaité la démission du représentant de l'Église catholique, Enel Désir, mêlé dans un scandale de corruption. Ce vendredi, l'ULCC, après investigation, a acheminé son rapport au parquet de Port-au-Prince. Un substitut du gouvernement a confirmé le fait.

Les partis d'opposition et la société civile à leur tour ont réitéré fermement leur opposition à ce CEP et demandent que l'on reforme le CEP selon les prescrits de l'article 289 de la constitution.

Il nous faut aussi remarquer que dans l'arrêté présidentiel du 24 juin 2010 définissant l'autorité des conseillers, on a fait mention paradoxalement de la tenue d'élections indirectes. Ce à quoi le régime lavalas s'est opposé viscéralement pendant ses 20 ans de pouvoir. Au lendemain du 7 février 1991, quand le CEP, après avoir installé les ASEC et les Délégués de ville, s'apprêtait à organiser les élections indirectes, Aristide s'est empressé de disperser ces conseillers rapidement en les envoyant dans des postes diplomatiques. Et depuis, tout les CEP sous le régime lavalas n'ont jamais tenté d'organiser des élections indirectes, à l'exception de celui qui a ramené Préval au pouvoir en 2006. Le sénateur Rudolph Boulos, revenant d'une réunion organisée par lui à Kaliko Beach avec des législateurs, avait exigé du CEP l'installation des ASEC et des Délégués de ville, pour précisément organiser les élections indirectes. Ce qui automatiquement a pris Préval à rebrousse-poil et causé immédiatement le renvoi brutal de ce CEP.

Il est évident qu'à ce carrefour où il devient de plus en plus impossible pour Préval de se succéder, que le problème de la succession devient de plus en plus un sujet litigieux au sein de son entourage et surtout au sein de la caste multi-classiste qui entend perpétrer le maintien du monopole du pouvoir au-delà d'un demi-siècle. L'introduction officielle de la notion de tenue d'élections indirectes par un chef d'état lavalassien pure laine, est une volte-face radicale et la levée d'un veto maintenu sans faille pendant 20 ans.

De quoi s'agit-il ? S'il s'agissait de Préval uniquement, ses réflexes possessifs et son comportement egocentrique par rapport au pouvoir politique, l'empêcheraient de prendre le risque d'une telle délégation de pouvoir à une institution qui par définition est autonome et indépendante des 3 pouvoirs. En fait c'est ce qui explique que l'on n'ait jamais réussi à avoir un CEP permanent, après 23 ans que la constitution de 1987 est mise en vigueur de. Il faut croire que ce soit cette caste multi-classiste qui soit arrivé à convaincre Préval, de la notion de la priorité de l'intérêt collectif versus l'intérêt personnel, le cas échéant. Que la conscience et l'identité de caste ait été bien ancrées et bien établies pendant ce dernier demi-siècle. Que des notables de cette caste bien imbus des intérêts et de la volonté du maintien du monopole du pouvoir par cette caste, seront dignes de confiance et capables de maintenir le contrôle de l'accès, de la conquête et de l'octroi du pouvoir politique à travers des élections organisées par eux au sein de leur nouveau Conseil Electoral Permanent établi sous Préval ! D'ailleurs c'est la raison fondamentale qui explique pourquoi Préval a omis d'inclure dans la promulgation du décret électoral, la date des élections pour les autorités locales. Il veut utiliser les mêmes autorités qui lui sont déjà acquises pour faire ces élections indirectes. Et faire les élections de ces autorités locales sous le contrôle de leur nouveau CEP permanent dont les membres seront proposés par leur Conseil interdépartemental élu à travers ces élections indirectes. C'est ce processus alambiqué, exécuté en circuit fermé et maintenu en vase clos, qui garanti l'étanchéité, la cohésion et la solidité de l'emprise de cette caste populiste sur le pouvoir politique.

Que faire ? A cette croisée de chemins, où la rupture est un impératif. Il nous faut faire ce saut qualitatif, pour passer de l'acte à l'action politique. Il ne s'agit pas dans cette conjoncture de commettre la bêtise puérile du boycottage des élections (la ri blanche porte fermin). Il ne faut pas qu'il y ait d'élection sous Préval ! Point final ! Si non, on ne nous servira pas seulement du réchauffé comme en 2006, mais du rata en 2010 ! Il nous faut rompre, pour répondre aux impératifs du changement ! On ne peut plus reprendre les sentiers battus (repassé peau cann) ! Il faut des hommes neufs avec des idées nouvelles pour forger un monde nouveau !

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