samedi 27 mars 2010

Quiproquos! Éditorial de Daly Valet.


Le Matin
- Vendredi 26 mars - Jeudi 2 avril 2010 No 34211
 
 
Éditorial
 
       Quiproquos !

 

Le président Obama a, mercredi 24 mars, demandé officiellement au Congrès américain d'approuver une enveloppe d'aide supplémentaire d'urgence à Haïti d'un montant de 2,8 milliards de dollars. Le chiffre ne surprend pas. Les conseillers techniques des Congressmen tablaient, depuis quelques semaines déjà, sur un montant d'aide additionnelle de 3 milliards. À Port-au-Prince, les conversations allaient aussi bon train sur cette pactole - ô combien tentante et alléchante ! - qui nous viendrait de l'Oncle Sam. Au Capitol Hill, la démarche du président Obama fait sourciller certains Républicains et Démocrates conservateurs, lesquels rechignent de plus en plus à approuver des dépenses publiques qui ne pourront qu'aggraver l'effarant déficit budgétaire américain. La requête de l'Exécutif américain a toutes les chances de passer les mailles des filets de contrôle du Congrès. Obama obtiendra gain de cause, même si l'autorisation de dépenser qui lui sera accordée dans le dossier haïtien sera assortie de conditions de décaissement et d'évaluation sévères et renforcées. D'ailleurs, la puissante Commission des Affaires étrangères du Sénat présidée par le sénateur du Massachussetts, John Kerry, travaille actuellement sur une loi qui réglementera, sur une base contraignante, l'assistance américaine à Haïti dans le cadre de la reconstruction. Un « Monsieur Haïti » sera également nommé pour coordonner l'aide et veiller à l'utilisation honnête et transparente des fonds. Corruption oblige.

 

C'est bien beau, tout cela ! Le hic, c'est que plus d'un tiers des 2,8 milliards sollicités par la Maison Blanche restera à Washington. Autrement dit, près d'un milliard de dollars ira au Pentagone et à l'USAID à titre de remboursement des dépenses hors budget consenties par ces entités fédérales en faveur d'Haïti au lendemain de la catastrophe du 12 janvier. Des montants moindres, mais assez substantiels, iront renflouer les comptes du Département d'État, de ceux de l'État de la Floride, du Département du Trésor, de l'Agriculture, de la Santé, etc. Elles sont légion ces agences gouvernementales américaines qui se verront rembourser à la faveur de l'éventuelle approbation par le Congrès de la demande du président Obama.

 

Mais que restera-t-il de cette enveloppe à Haïti pour la reconstruction après que les coffres des agences américaines à être intervenues en Haïti eurent été regarnis? Pas beaucoup, si l'on en croit les données officielles auxquelles nous avons pu accéder. Le reliquat qui sera alloué aux plans de relance et aux projets de reconstruction est, en fait, de l'ordre de 895 millions de dollars. Ce budget sera confié aux bons soins du Département d'État et de l'USAID. Les chiffres sont vraiment trompeurs. Des milliards virtuels. Et quelques millions bien réels. Le président René Préval aura définitivement échoué à convaincre Washington de la capacité de cet appareil d'État qu'il dirige à gérer correctement son aide à Haïti. Washington, de son côté, devra mieux travailler à rendre cette aide concrètement plus ambitieuse et ses engagements envers ce pays plus constants; et qu'il sera, à terme, improductif de persister à contourner notre président de la République et son administration, aussi inefficaces qu'ils puissent être.

 

Il y a lieu de demeurer raisonnablement et patriotiquement optimiste quant au futur de notre chère Haïti. Il faut, cependant, admettre que la reconstruction est déjà mal partie. Et le sommet de New York du 31mars avec. Les prémices sont loin d'être convaincantes. D'autant que la phase de gestion des urgences et de planification du long terme nous laisse avec beaucoup d'insatisfaction. Faux-semblants. Faux-fuyants. Faux pas. Efforts d'inclusion en demi-teinte. Pratiques d'exclusion à l'ancienne mode. Rien de vraiment réconfortant. Surtout quand les chiffres astronomiques de la coopération internationale continuent de relever largement du trompe-l'oeil.

 
Daly Valet

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