samedi 30 mai 2009

Globalisation et Développement Local

Paru dans le Journal « Le Matin »
29 mai 2009

La globalisation et le développement local sont parmi les concepts les plus discutés et les plus controversés au niveau de la littérature économique contemporaine. Etablir le rapport entre eux revient à alimenter un paradoxe découlant de la logique et de l’évolution même de ces concepts, considérés comme le fruit de deux processus parallèles en compétition avec les structures traditionnelles de l’Etat Nation dans l’exercice de certaines fonctions et attributions.

En Haïti, les politiques publiques en matière de développement local sont réduites à un simple processus de décentralisation sans une réelle imbrication avec le contexte dynamique de la réalité internationale marquée par la globalisation. Parler de ces deux concepts implique de passer en revue le changement opéré dans la structure institutionnelle de l’Etat Nation. On parle en ce sens, d’une situation de double pression : une pression provenant d’en haut avec la Globalisation et une autre provenant d’en bas avec la décentralisation.

Dans le cadre de cet article nous allons, d’une part, décrire la situation de double pression qui s’exerce sur les structures de l’Etat nation et d’autre part, démontrer l’articulation entre le développement local et la globalisation.

1- Pressions sur l’Etat Nation : Globalisation et Développement Local

A- 1 : Avec La Globalisation

Malgré les discussions et divergences suscitées, la globalisation constitue les données du monde contemporain. Pas un seul domaine d’activités ne l’échappe, elle atteint presque la totalité de la vie en société. Dixit Marc Bazin[1] « Qu’on l’aime ou non, on doit s’adapter et savoir la tourner à notre avantage ». C’est un phénomène irréversible qui implique une pédagogie d’adaptation

Une de ses caractéristiques fondamentales en constitue sa portée internationale et sa capacité à modifier les orientations stratégiques traditionnelles de l’Etat Nation en vigueur depuis la signature en 1648 du traité de Westphalie. Ce traité a consacré l’hégémonie et la prééminence de l’Etat Nation sur les autres acteurs du système des relations internationales.

A partir des années 70, ce paradigme westphalien des Relations Internationales subit une profonde modification à travers une intensification des échanges et une plus grande interdépendance des Etats. Les bases théoriques de ce changement sont formulées dans les travaux de Joseph Nye et Robert Keohane2 sur le transnationalisme et l’interdépendance complexe. En ce sens, Sergio Boisier3 parle à juste titre de la mort de la géographie et des frontières.

La globalisation a mis en difficulté la notion de souveraineté de l’Etat, à tel point qu’on parle aujourd’hui de la crise contemporaine de l’Etat Nation. Certaines structures supranationales sont plus présentes aujourd’hui sur la scène internationale en s’acquittant désormais de certaines taches et responsabilités réservées autrefois aux compétences exclusives et à l’exercice de souveraineté des Etats.

B-1 : Les pressions avec le Développement Local
La fin des dictatures classiques et l’ouverture démocratique des années 80 et 90 dans beaucoup de pays dans le monde se sont incontestablement accompagnées d’une plus grande recherche de participation des citoyens dans l’amélioration de leur bien être et la gestion de la chose publique. En témoigne la chute de la dictature des Duvalier en 1986 qui a favorisé l’émergence d’un espace démocratique. Cet espace a permis en 1987 l’adoption d’une nouvelle constitution qui a accordée une place centrale aux questions de décentralisation et développement local. Elle oblige l’Etat Central à partager le pouvoir avec les diverses collectivités territoriales et permet de renforcer la démocratie. En ce sens, on établit toujours une relation proportionnelle entre la démocratie et la décentralisation.

De même que les institutions supranationales, les collectivités exercent de leur cote une très forte pression sur l’Etat Central en revendiquant de nouvelles taches et responsabilités. Elles veulent aller au delà de simples taches traditionnelles comme les ramassages d’ordures, les entretiens de places publiques etc., pour s’occuper d’autres taches beaucoup plus complexes pouvant influencer directement le bien-être de la population locale. Elles sont très présentes dans le domaine très réservé des relations internationales qui ont été toujours l’apanage exclusif de l’Etat central. Cette situation génère bien souvent des conflits avec l’Etat Central qui les perçoit comme de véritables compétiteurs. . Dans certains pays le pouvoir de ces collectivités est tellement étendu qu’on les assimile à un quasi Etat.

Mieux que l’Etat central, les gouvernements non centraux se révèlent beaucoup plus efficaces dans l’exercice d’une gouvernance de proximité pour résoudre certains problèmes au niveau des communautés locales. C’est un cadre propice qui permet aux citoyens de s’impliquer directement dans la gestion de la chose publique et de se transformer en acteurs et initiateurs de leurs propres avenirs à travers un réel processus développement local.

2- Glocalisation : Articulation Global- Local
« Penser Global, Agir Local » est une maxime souvent utilisée pour décrire l’articulation du développement local avec la globalisation. C’est en ce sens on évoque ces jours-ci le néologisme « Glocalisation ». Ce terme désigne la nécessité d’adapter les défis et enjeux de la Globalisation aux spécificités et réalités locales.

La globalisation comme processus planétaire cherche à incorporer les entreprises, les villes, les régions, les personnes dans un seul et même réseau mondial en assoyant un nouvel ordre économique à travers deux faits importants : d’une part, un espace unique de commerce et transactions dans le cadre du libre marché et de l’abolition des frontières géographiques et technologiques et d’autre part de multiples territoires de production qui renforce le contexte de la Glocalisation.

Dans ce nouveau contexte glocal, les collectivités territoriales constituent les nouveaux acteurs de la compétition internationale en vue d’attirer les capitaux, technologies, investissements, tourisme etc. A titre d’illustration, considérons les cas du Cap-Haïtien et Jacmel qui devraient être en compétition directe avec des villes touristiques comme Puerto Plata et Barahona en République Dominicaine qui connaissent un développement touristique notoire. Malheureusement nos villes sont loin d’atteindre ce niveau développement, n’étant pas gérées avec un souci d’ouverture sur l’international, elles ne sont pas compétitives par rapport à d’autres villes de la région.

Pour qu’une région, ville, localité, territoire etc., à l’intérieur d’un Etat, s’insère durablement dans ce nouvel ordre glocal, il est important d’articuler avec succès les points suivants, considérés parmi les plus importants:

1- Le Marketing Territorial
C’est une branche d’activités relativement récente. Elle Développe une vision intégrée des divers éléments d’un territoire en vue de le rendre plus attractif et vendre avec succès ses atouts et spécificités. Elle permet aux collectivités de se positionner dans le monde international.

2- La Paradiplomatie
C’est une sorte diplomatie alternative, on la considère comme l’action internationale des villes, régions, localités etc. A travers les outils comme la coopération internationale décentralisée, elle permet la réalisation d’un ensemble d’activités : jumelage , forum d’activités, réseau d’intégration, partage d’expériences etc.

3- Management du Développement Economique Local (DEL)
Le DEL se réfère au développement de la capacité économique d’une zone pour améliorer son avenir et la qualité de vie de ses habitants. C’est en fait un processus permanent de négociation entre les acteurs locaux du secteur public, du monde des entreprises, des secteurs organisés de la société civile en vue du bien être de la population locale. La gestion du DEL requiert l’appui de véritables managers spécialisés (City Manager).

Jean Garry Denis
Expert en Développement Communautaire
Professeur de Marketing International
dgarry50@yahoo.fr
__________

[1] Bazin Louis Marc : 10-11 mai 2008, « 2008-2011, une feuille de route », Journal Le Nouvelliste, Haiti

2 Nye Joseph S. et Keohane Robert O. : (1997), « Power and Interdependance » troisième édition, Pearson Scott Foresman

3 Sergio Boisier : 2007, Imagen en el espejo: Aportes a la discusión sobre crecimiento y desarrollo territorial, Universidad del Estado de Mexico

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