jeudi 20 novembre 2008

DROIT AU BUT

Nous pensons qu’il y a des moments dans la vie où il faut se taire pour mieux observer et écouter ce que l’opinion publique pense avant de réagir. C’est quelquefois stratégique pour celui qui lutte à la fois contre un système et des vautours qui rôdent autour. Mais, il y a des choses qui révoltent tellement que garder le mutisme revient à cautionner le fait lui-même dans toute sa crudité. La vérité est nue, apodictique. Elle résiste au temps, aux couleurs, aux origines sociales. Le clientélisme et la corruption doivent être dénoncés. La compétence des personnes devrait prévaloir, autrement, nous arriverons difficilement à prendre le chemin du développement.

Nous avons été sidéré et scandalisé par cette histoire de l’Office Nationale d’Assurance (ONA). C’est un véritable camouflet pour l’actuel gouvernement qui avait bâti sa politique sur le changement. Mais quelle image peut-il projeter et faire valoir à présent avec des actes pareils ? C’est absolument épouvantable de découvrir certains dossiers nébuleux dans lesquels plusieurs politiciens sont impliqués. Quelle honte pour ces hommes et femmes de basse moralité, adeptes de la facilité ? Le problème c’est que personne ne sera puni. Nous avons en exemple les dossiers du Ministère des Affaires Étrangères et du Conseil National des Équipements (CNE).

C’est à cause de ces hommes et femmes d’Etat que le pays est en difficulté économique. Ce sont eux les responsables de cette situation de crise perpétuelle et de misère chronique. Ils pillent les caisses de l’Etat, ne créent pas d’emplois, ne font rien pour la jeunesse, et ne se gênent nullement quand ils doivent acheter des appartements cossus pour leurs maîtresses vivant à l’étranger. Qu’on nous dise combien gagne un directeur général pour se permettre de payer argent comptant une voiture valant ($US 25.000) vingt-cinq mille dollars américains pour une amie intime en guise de cadeau de la ‘’Saint-Valentin’’. Nous sommes en plein délire !

Mine de rien, ce sont des millions et des millions qui auraient pu servir au développement du pays, qui vont grossir des comptes bancaires déjà pleines, se perdre dans des boites de nuit, dans des débits de boissons et de tabac. Il est connu de tous que la justice haïtienne est l’une des plus pourrie au monde. Mais, plus corrompu qu’un parlementaire haïtien, on n’en trouve pas. Sans parler des autres sphères de la vie nationale. La corruption a tellement gangrené notre société que nous nous posons la question de savoir si on en sortira un jour. Comme dit l’autre, une autre Haïti est possible, mais nous ajoutons que ce n’est pas demain la veille.

L’immense majorité des haïtiens n’aspirent qu’à travailler et profiter en toute sécurité du fruit de leurs efforts. Mais, il y a toujours un groupuscule qui se met au travers de sa route. Le Haut Commandement de la Police Nationale d’Haïti roule déjà le tout dernier modèle de la Toyota 2009 pendant que la Chambre d’Instruction Criminelle de la juridiction du Cap-Haïtien, composée de six Magistrats enquêteurs, n’a pas une bicyclette à sa disposition. Pire, dans le Nord-Ouest des gens meurent de faim.

Le système judiciaire n’est pas efficient, et c’est dommage qu’on ne veuille pas mettre en place les mécanismes pouvant garantir son autorité et son indépendance vis-à-vis des autres pouvoirs. Les conditions de travail sont difficiles et le gouvernement n’offre aucun avantage social aux Magistrats et auxiliaires de justice. Certes, il y a la passion du métier mais nous ne pouvons pas vivre seulement d’amour pour notre travail. Récemment, une banque a refusé d’avaliser un Magistrat qui voulait s’offrir une petite voiture neuve valant à peine ($US 9.000) neuf mille dollars américains parce que son salaire de misère ne répondait pas aux normes. Et quand on sait que l’État ne prête aux Juges que l’équivalent de six mois de leurs appointements. Ce n’est pas seulement un simple refus de la part de l’institution bancaire, c’est une humiliation…une honte nationale.

Dans un État de Droit, c’est la loi qui prime et non la politique. Et pour clore définitivement le débat, on doit savoir que les débiteurs de l’ONA sont obligés de payer à l’institution tous les mois, et de façon régulière, une certaine somme d’argent pendant toute la durée de l’hypothèque. Tel n’est pas le cas pour certains de nos politiciens qui font carrément abandon de créance prétextant qu’il n’y a pas de contrainte par corps en matière de dette. Et si, après procès, l’État pratiquait des saisies sur leurs biens ? On dit assez souvent que là où il n’y a rien, même le roi perd ses droits mais cet aspect de la question ne tient pas puisqu’il faut préalablement déposer une garantie consistant en biens meubles ou immeubles pour avoir accès au crédit.

Un jour ou l’autre, ces pilleurs de pays, ces apatrides, ces corrompus auront à répondre devant l’histoire. Puisse Dieu avoir pitié d’eux quand viendra le jour du jugement en les envoyant en enfer car même au paradis, ils tenteront de corrompre les anges.

Heidi FORTUNÉ

Magistrat, Juge d’Instruction

Cap-Haïtien, Haïti

Ce 18 novembre 2008

http://heidifortune.blogspot.com

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