samedi 6 septembre 2008

Analyse de Robert Benodin sur la conjoncture.

Thèmes de l’Emission de la semaine

Orlando le 5 septembre, 2008

Actualités Politiques : Grandes Lignes

La coïncidence de la crise gouvernementale et les intempéries qui coup sur coup viennent de frapper Haïti, met en exergue, d’une part le manque de scrupule de nos dirigeants, leur incompétence, leur insouciance, leur indifférence, et de l’autre le degré de misère, de pauvreté, de souffrance, et de vulnérabilité d’un peuple appauvri par le chômage et le désœuvrement, d’un peuple tenaillé par la faim et livré à lui-même. Malgré le spectacle horrible des dévastations, des pertes de vies et de biens dont les Gonaïves ont été victimes avec le passage de l’ouragan Jeanne en 2004, les quatre cyclones qui ont frappé et dévasté l’agriculture et l’économie des petits paysans en 2007, rien n’a été fait pour remédier aux dévastations. Rien n’a été fait pour prévenir, pour protéger et pour minimiser l’effet des désastres sur la population. Alors qu’Haïti a un bureau météorologique, l’arrivée du cyclone Hanna, n’a pas été annoncée sur tout le territoire, pour inciter les populations urbaines et rurales à se mettre à couvert, à se protéger, à prendre des mesures de précaution. L’arrivée de Hanna a surpris les riverains de la presqu’île du Sud. En lieu et place du gouvernement ceux sont des journalistes de la région qui font, par téléphones cellulaires, des efforts de communication pour contacter les sinistrés. Ceux sont des stations de radios privées qui ont organisé l’effort de coordination et de communication. Et c’est à travers l’Internet que des individus collectivement s’efforcent à venir en aide aux sinistrés. Les donneurs d’aides étrangères, à cause de la réalité de la corruption gouvernementale, sont obligés d’organiser eux-mêmes la distribution de l’aides qu’ils offrent. Ce n’est pas par hasard que les quatre cyclones Fay, Gustav, Hanna et Ike en un mois, ont causé une hécatombe.

Force est de constater et surtout de comprendre que le pouvoir prévalien conscient du niveau élevé du seuil de tolérance des masses appauvries, n’a jamais pris et ne prendra jamais au sérieux, ni leurs souffrances, ni leurs besoins, ni leur sort. Au contraire, il compte absolument sur leur endurance et leur passivité, pour se concentrer uniquement à consolider et à augmenter l’omnipotence de son pouvoir personnel. L’exploitation à fond du seuil de tolérance élevé des masses, est un élément fondamental de sa stratégie de confiscation de l’appareil étatique.

Il n’y a pas que les partis politiques et leurs chefs qui ont été apostrophés et humiliés. L’arrêté présidentiel de nomination du cabinet ministériel du premier ministre désigné avant la ratification de sa déclaration de politique générale, est un affront à la pertinence, du vote du Sénat. La ratification de la déclaration de politique générale du premier ministre désigné ne peut pas être une simple formalité. C’est un droit que la Constitution réserve au Sénat, indépendamment du vote de la chambre basse. C’est la responsabilité du Sénat, d’évaluer la politique générale, par rapport à l’ensemble des problèmes que présente la conjoncture. Et de s’assurer que cette politique soit adéquate, en adressant spécifiquement chacun des problèmes que confronte le pays. Le refus de Préval de faire le retrait de cet arrêté inconstitutionnel, est une preuve irréfutable de son arrogance, de sa volonté de s’ériger en élément de blocage, pour imposer sa volonté en foulant au pied l’article 158 de la Constitution de 1987. Le Sénat en cédant, devient son complice en entérinant une violation constitutionnelle. Ceci équivaut au démantèlement de garde-fou érigé par cette Constitution, contre les abus de l’omnipotence présidentielle. L’exploitation de la situation d’urgence causée par la coïncidence des intempéries, ne peut pas constituer non plus une justification pour cette fuite en avant, violant intentionnellement la Constitution. Le besoin urgent d’avoir un gouvernement, supplante-il celui du respect des institutions et de la Constitution ?

Soudainement, tard dans l’après-midi du mercredi 3 septembre 2008, comme un deus ex machina, Fritz Longchamp le secrétaire général du palais national, annonce par le communiqué suivant :

« Dans un esprit de compromis, en vue de faciliter la résolution de la crise gouvernementale, le président René Préval a accepté que l’installation du gouvernement ait lieu après le vote sur la déclaration de politique générale du premier ministre par le sénat.

Il est prévu que le premier ministre, Michèle Duvivier Pierre Louis, se présente devant le sénat le jeudi 4 septembre 2008.

Fritz Longchamp, secrétaire général du palais national »

Ce communiqué ne constitue pas un retrait de l’arrêté présidentiel nommant le cabinet ministériel. Or c’est le fait de nommer des ministres par un arrêté présidentiel avant la ratification de politique générale du premier ministre désigné, qui constitue la violation constitutionnelle. Ce délai consenti, pour permettre au Sénat d’évaluer la politique générale du premier ministre désigné, maintenant l’arrêté présidentiel tel quel, est la manifestation ostensible et sans équivoque de la volonté de Préval d’installer ce cabinet ministériel, peu importe le résultat du vote du Sénat. Ce compromis, sans le retrait de l’arrêté présidentiel, réduit la déclaration de politique générale du premier ministre désigné, au niveau d’une simple formalité. En d’autres termes, Préval n’a pas permis au Sénat de sauver la face. Au contraire il a foulé au pied, la pertinence de son vote. Préval aurait pu faire le retrait de l’arrêté présidentiel, avoir le vote du Sénat sur la déclaration de politique générale, et présenter ensuite, un autre arrêté nommant les mêmes ministres. Evidemment, un tel geste serait contre-nature, même entre populistes de même tendance.

Prévale n’est pas le seul a abonder dans l’exploitation du chantage populiste. Michèle Pierre-Louis n’y va pas de main morte. Il ne faut jamais oublier le fait que Michèle Pierre-Louis le jour de sa déclaration de politique générale à la chambre basse, elle est sortie de la chambre pour s’adresser aux chimères venues au devant du palais législatif pour menacer les députés. Ce qui est grave et impardonnable, elle ne les a pas congédiées. La question est de savoir d’où venaient ces chimères ? De Martissant. Là où se trouvait FOCAL, son ONG ! La visite du nouveau tandem Préval/Pierre-Louis à la Cité Soleil, avant la session du Sénat, quel en était le but ? Quant le premier vote n’avait pas ratifié le premier ministre désigné jeudi soir, l’ordre de mobilisation avait été lancé. Le second vote l’ayant ratifiée, les chimères ne sont pas venues au palais législatif. Certes, comme pour la convocation de la presse à l’installation du cabinet ministériel le mardi 26 août 2008, ils persisteront à le nier !

Les membres des mouvements féminins et féministes qui, tout au début, sont montés au créneau pour défendre Michèle Pierre-Louis, sont aujourd’hui plongés dans un silence éloquent. Stupéfaits, mais n’étant pas de la dernière averse, ils sont en train d’observer les effets de l’appas du pouvoir et la métamorphose de la nouvelle Michèle Pierre-Louis qui se révèle. La loyauté est une vertu noble, certes. Mais envers qui, quand et pourquoi, voilà le hic ?

Certainement, la légitimité du premier ministre vient spécifiquement et exclusivement de sa ratification par les deux chambres du parlement. Et c’est précisément ce garde-fou, dans le régime semi-parlementaire, qui le protège contre tout excès d’omnipotence présidentielle. En effet, Michèle Pierre-Louis n’est pas la seule à bénéficier du compromis. Heidi Anabi est allé à l’extrême pour que ce soit un premier ministre de jure qui paraphe le renouvellement du mandat de la Minustah le mois prochain. René Préval et Michèle Pierre-Louis, lui devant une dette éternelle, signeront des quatre mains.

Néanmoins, les conditions dans lesquelles Michèle Pierre-Louis a obtenu cette légitimité, et surtout la façon dont son cabinet ministériel a été formé, ne tendent absolument pas à consolider, ni son pouvoir, ni son autorité. Préval ayant reconduit les titulaires des 8 ministères les plus importants du gouvernement, confisque automatiquement et exclusivement leur loyauté inconditionnelle. Dans un contexte pareil, force est de constater et d’admettre, qu’en entrée de jeu, elle s’est fait damer le pion par Préval.

Compte tenu des dévastations cycloniques et le cauchemar de la rentrée des classes venant tôt ou tard s’ajouter aux problèmes qui ont sous-tendu les émeutes de la faim, on est malgré tout, à une nouvelle croisée de chemin. On vient de refaire les cartes, soudoyant la chambre basse, foulant au pied la pertinence du vote du Sénat, pour forcer la ratification d’un nouveau premier ministre piégé au départ par Préval. Mis à part sa marotte de confisquer toutes les élections et son obsession de vouloir se succéder, par le biais du remplacement de la Constitution, qui rempliront l’avant-scène, qu’est-ce que ce nouveau premier ministre pourra faire pour se distinguer ? Tant mieux pour Prévale, il ne saurait trouver meilleure compagnie pour sa décente aux enfers, que Michèle Pierre-Louis.

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