jeudi 21 août 2008

Préval le dos au mur


Par Jean Erich René
21 août 08

Tout le scénario de la politique haïtienne tourne autour du fauteuil présidentiel et des sièges au Parlement. La barque nationale pendant deux siècles vogue au gré des conflits politiques sans aucun but précis. On néglige l'essentiel pour lancer une lutte acharnée contre les ennemis politiques. Tel est le ferment de la vie politique nationale. De rares Chefs d'Etat haïtiens ont une vision d'ensemble de la scène politique. Très peu d'entre eux s'affranchissent des querelles de chapelle pour viser un objectif commun. A quoi servirait le savoir sans le savoir-faire, la prière sans la grâce, l'idéologie sans la praxéologie, L'Espoir sans aucune réalisation ? Pour comble d'absurdité, la démarche politique haïtienne porte le sceau de la médiocrité tout en mettant en évidence l'indigence intellectuelle des acteurs. Leur sécheresse de pensée les porte à emprunter à Machiavel ses tours les plus sordides.

En dépit des slogans de départ qui ont fait mousser la foule, la réalité existentielle pleine de contradictions projette le vrai profil des joueurs et l'incohérence de leurs discours. Face à l'impossibilité de résoudre les difficultés matérielles de l'heure, ils cherchent refuge dans la polémique et la protestation continue. Ils divisent pour régner! Ils créent des événements pour faire de la diversion, détourner l'attention des adversaires et les forcer à faire leurs propres jeux. Prise dans un tel engrenage l'Opposition, quoique débile, est bien obligée de se rétracter face à certaines dispositions anticonstitutionnelles ne visant qu'à servir les intérêts politiques du pouvoir en place. En effet, l'éclatement de ces conflits alimente des commérages de toutes sortes qui tisonnent l'ardeur des partisans et sympathisants et neutralisent les maîtres d'arme.

Au cours de cette campagne de terreur, les prévalassiens oublient complètement le 10e Département, ce troisième oil qui scrute la scène politique haïtienne avec science et conscience. Puisqu'ils ont en mains les rênes du pouvoir, dans leur droit régalien ils ont aussi la responsabilité morale de veiller à la sécurité des vies et des biens de tous les citoyens. A force de tourner en rond ils ont perdu le Nord. Par cette bruyance qui caractérise les tonneaux vides, ils prennent une allure de surdoués, interprété tant leurs bêtises comme des éclairs de génie. D'où cette situation équivoque dans laquelle se trouve Haïti aujourd'hui. Pour répéter St Juste : " La force des choses nous conduit à des résultats auxquels nous n'avons pas pensé." En dénonçant la Constitution de 1987 comme une source d'instabilité politique le président René Préval vient de commettre un Crime de Haute Trahison. Il est passible de la Haute Cour de Justice. Dans aucun pays du monde une telle attitude d'un Chef d'Etat ne passerait sous silence. La parole est au Parlement !

Lorsqu'on s'embarque dans l'anarchie pour retrouver la bissectrice du pouvoir on ne peut plus s'en sortir. Les pères ont mangé des raisins verts, les dents des fils en seront agacées.

Ce climat de désordre a miné l'économie nationale, éclaté la société haïtienne et exposé le pays à la risée des observateurs internationaux. La politique de LESPWA devient irrationnelle! A quoi sert une stratégie politique sans aucune incidence économique favorable, sans aucun signe d'avancement social tangible. Selon les témoignages de John B. Taylor le PIB ou Produit Intérieur Brut d'Haïti vaut 1/5 de la moyenne pour l'Amérique latine et la région des Caraïbes dans l'ensemble. Il est 40% inférieur au deuxième pays le plus pauvre de l'hémisphère: le Nicaragua. La mortalité infantile s'élève à 79 pour 1.000 naissances. 54% de la population d'Haïti n'ont pas accès à l'eau potable." En quoi consiste l'Espoir ?
La tragédie haïtienne a comme déclic, une mauvaise gestion des finances publiques, le laisser-faire de la politique monétaire de rongeurs et l'hémorragie de la politique budgétaire de grands mangeurs de LESPWA. N'étaient-ce les transferts unilatéraux, c'est à dire les sommes d'argent en devises effectuées par les Haïtiens résidant à l'étranger notre situation serait encore plus grave. Les transferts unilatéraux représentent 1/4 du revenu national haïtien. La Banque Mondiale dans une analyse situationnelle a jugé de l'inefficacité de l'aide économique à cause de la corruption. Qui dit corruption, dit corrupteur ! On ne peut pas améliorer la situation des masses nécessiteuses car l'administration politique de Prévale est un trou rond sans fond. Le pétrole à bon marché, l'asphalte, le riz et l'engrais de Chavez ont été détournés.

L'instabilité politique représente la deuxième plaie qui ronge le peuple haïtien. L'environnement politique haïtien n'est pas favorable à l'investissement. Le déchouquage est toujours dans l'air, l'entreprenariat est condamné car le capital est en danger. La croissance du secteur privé nécessite l'intégrité de la police et la fiabilité du système juridique pour mettre les chimères hors d'état de nuire. Commissaire de police et Commissaire de gouvernement sont en conflit. Selon le Chef de Police Mario Andrésol l'insécurité est difficile à combattre si la justice libère les truands. L'inspecteur de Police qui a monté le dossier de Jean Dominique avec tous les éléments de preuve se retrouve aujourd'hui derrière les barreaux. Une telle sanction est démoralisante pour le reste du Corps de Police.

Loin d'apporter des solutions, certaines décisions politiques compliquent davantage les données du problème. La gestion de la chose publique nécessite un esprit de dépassement et des ressources intellectuelles pointues. Avec la mondialisation, malheur à un pays qui a comme dirigeant un irresponsable, un crétin! Le pouvoir politique, vu le nombre de récifs, ne peut plus s'embarquer sur l'inconnu. Il doit se fixer des objectifs précis sur les plans économique, financier, monétaire, social, diplomatique, culturel. L'ère des dictatures rétrogrades est révolue! La Constitution de 1987 préconise un pouvoir mixte avec un Exécutif bicéphale. Un Premier ministre ne saurait être la monture d'un Président en quête d'absolutisme. L'excitation fébrile et la griserie de certains couche-tard traduisent clairement l'indigence de la politique haïtienne. Nous applaudissons l'éclair d'intelligence des Chefs de Partis : OPL, FUSION et LAAA en approuvant, aux pieds levés, la Déclaration de Politique Générale du PM Michèle D. Pierre Louis. Ils isolent le président Préval comme le principal élément de blocage de la crise et provoquent la mise en échec de son plan macabre de traîner les pieds afin de profiter des élections américaines de novembre 2008 pour renvoyer le Parlement, rédiger une nouvelle Constitution et pérenniser au pouvoir. La balle ne passera pas. Préval a le dos au mur.

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